Dossier

François Lucas-Cardona

A.S.A, MBA, Pl. Fin.

Conseiller principal, développement et qualité de la pratique

Institut de planification financière

Femmes et finances : bonnes pratiques et pistes d’action

Identifier et comprendre les biais cognitifs en finance est de plus en plus indispensable, qu’ils concernent la clientèle ou les Pl. Fin. eux-mêmes. Souvent inconscients, ces biais influencent la façon dont nous percevons les situations, analysons les informations et prenons des décisions. Qu’il s’agisse du biais de confirmation, qui nous pousse à ne retenir que les arguments confortant nos convictions, ou de l’excès de confiance face à la complexité, sans oublier les biais émotionnels exacerbés en période de volatilité : ces mécanismes peuvent impacter chaque étape du parcours financier.

Cet enjeu revêt une importance particulière dans l’accompagnement des clientes, dont la relation à l’argent, la perception du risque et la planification à long terme sont influencées par de nombreux stéréotypes et schémas sociaux.

Depuis plus d’une décennie, la place économique des femmes s’est affirmée comme une réalité incontournable. Une étude pionnière de la Harvard Business Review, datant de 2009, révélait que les femmes contrôlaient alors plus de 20 000 milliards de dollars de dépenses annuelles dans le monde, soit un marché plus important que ceux combinés de la Chine et de l’Inde. Malgré cette importance croissante, elles continuent de faire face à des biais et à des représentations simplistes dans le marketing et les services financiers, où les offres ne reflètent pas encore entièrement leurs besoins particuliers.

Cette situation s’observe également au Québec, où les femmes gagnent en autonomie et assument de plus en plus la gestion du patrimoine familial. Cependant, l’écart salarial avec les hommes persiste et les interruptions de carrière liées à la maternité ou aux responsabilités familiales continuent de freiner leur capacité d’épargne et leur préparation à la retraite.

Face à ces enjeux, il est important que les Pl. Fin. comprennent ces défis particuliers et adaptent leurs stratégies d’accompagnement. En favorisant une relation de confiance et en misant sur l’éducation financière, ils peuvent aider les femmes à surmonter ces obstacles et à bâtir un avenir financier prometteur.

Le contexte : chiffres et réalités d’hier et d’aujourd’hui

En 2023, la rémunération horaire moyenne des femmes salariées était d’environ 30,90 $, comparativement à 33,80 $ pour les hommes, soit 91 % du salaire masculin. Cet écart subsiste même en tenant compte des différents secteurs d’activité et des niveaux d’études. Par ailleurs, certaines populations, comme les femmes immigrantes, font face à des écarts encore plus prononcés.

Ces différences de revenus se répercutent à la retraite. Chez les personnes de 65 ans et plus, le revenu moyen annuel des femmes est estimé à 27 900 $, tandis que celui des hommes est de 36 200 $, soit un écart d’environ 23 %.

En plus d’un revenu plus faible, les femmes prennent souvent leur retraite plus tôt que les hommes, ce qui réduit la période d’accumulation d’épargne et allonge celle de décaissement.

Par ailleurs, depuis 50 ans, l’espérance de vie à 65 ans a augmenté d’environ 6 années. Les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, bien que l’écart soit beaucoup plus réduit lorsqu’il s’agit de l’espérance de vie en bonne santé. Autrement dit, elles vivent plus âgées, mais pas nécessairement en meilleure santé. Cette longévité augmente aussi le risque de vulnérabilité financière. Ainsi, pour assurer une meilleure sécurité financière sur le long terme, il est important d’accompagner les femmes tout au long de leur vie en tenant compte à la fois des écarts de revenus, de la longévité et des besoins évolutifs qui accompagnent le vieillissement.

Attentes et comportements des femmes en finance

Les attentes des femmes en matière financière traduisent souvent un besoin profond de sécurité et de sérénité. Plutôt que de rechercher la performance à court terme, elles privilégient une approche équilibrée, tournée vers la stabilité et la pérennité financière. Par ailleurs, elles souhaitent bénéficier d’un accompagnement éducatif, motivées par le désir de comprendre et de maîtriser leurs choix financiers.

Cette réalité souligne à quel point un accompagnement personnalisé est primordial pour renforcer la confiance des femmes en leurs compétences financières et leur permettre ainsi de profiter pleinement des opportunités offertes par l’investissement.

Obstacles et leviers d’autonomie financière

Malgré leur implication croissante, les femmes continuent de faire face à plusieurs obstacles majeurs. Les inégalités salariales, bien documentées, réduisent significativement leur capacité d’épargne. Par ailleurs, les charges familiales, qu’elles soient liées à la garde d’enfants ou au soutien des parents âgés, pèsent davantage sur les femmes, limitant leur temps et leur énergie pour gérer leurs finances personnelles. Cette double pression peut engendrer une anxiété importante liée à l’avenir financier, notamment en ce qui concerne la retraite, qui constitue une source d’inquiétude pour plus de deux tiers des femmes selon un sondage réalisé au Québec par la Chambre de la sécurité financière en 2024.Cependant, les couples qui n’ont pas d’enfants subissent habituellement moins ces pressions, particulièrement ceux avec deux revenus.

Le levier essentiel pour favoriser l’autonomie financière des femmes réside particulièrement dans l’éducation. Cela passe par une éducation financière accessible et adaptée, la mise à disposition d’une information claire et personnalisée, ainsi que la création d’espaces où les femmes peuvent poser des questions sans crainte de jugement.

Au sein des couples, l’autonomie financière se construit aussi à travers des échanges honnêtes sur les finances et une prise de décisions partagées; une pratique encore trop peu répandue.

Enfin, des outils simples et fondamentaux comme le bilan financier et le suivi budgétaire sont indispensables pour garder une vision juste et claire de ses revenus et de ses dépenses. L’épargne programmée, notamment via des prélèvements automatiques, constitue une méthode efficace pour constituer progressivement un capital sans ressentir de contraintes majeures. Ces démarches permettent d’élaborer un plan financier réaliste, suffisamment flexible pour s’adapter aux aléas de la vie, qu’il s’agisse de la maternité, d’une séparation ou d’un changement professionnel.

Pratiques recommandées pour les Pl. Fin.

Pour accompagner efficacement les femmes, les Pl. Fin. doivent adopter une approche globale qui dépasse la simple analyse des chiffres. Il est essentiel de prendre en compte les contextes personnels, les priorités et les émotions qui peuvent influencer les décisions financières. La pédagogie joue ici un rôle clé : fournir des outils clairs, accessibles et offrir un soutien continu favorisant l’autonomie et renforçant la confiance des clientes dans leur prise de décisions.

L’offre de services doit être adaptée aux différentes étapes majeures de la vie des femmes, avec des outils de suivi dynamiques ainsi que des explications transparentes. Proposer des scénarios financiers personnalisés lors de transitions importantes – maternité, séparation, succession ou autres événements – permet de répondre avec pertinence aux besoins spécifiques des clientes. La flexibilité et la personnalisation constituent des attentes fondamentales, souvent mises en avant par les femmes lors de décisions financières cruciales.

Par ailleurs, le rôle éducatif est fondamental. Promouvoir la littératie financière auprès des femmes apparaît comme un levier puissant pour leur permettre d’exercer un meilleur contrôle sur leurs finances. Valoriser le savoir, organiser des ateliers, offrir des ressources accessibles et adopter une communication sans jargon, tout en stimulant leur curiosité financière, sont autant d’actions qui contribuent à engager et fidéliser cette clientèle. Cette approche proactive positionne les Pl. Fin. comme de véritables alliés pour bâtir un avenir financier équilibré, sûr et en adéquation avec les aspirations de chaque femme.

Conclusion

En conclusion, accompagner les femmes en planification financière exige de tenir compte des biais cognitifs, des écarts économiques persistants et de leurs attentes spécifiques. Reconnaître les obstacles rencontrés, tout en mettant en valeur les leviers d’autonomie à développer, permet de bâtir des pratiques adaptées, fondées sur la pédagogie, la personnalisation et l’empathie.

En adoptant cette approche, les Pl. Fin. jouent un rôle clé dans l’émancipation économique des femmes, contribuant ainsi à leur sécurité financière et à leur réalisation personnelle. Ils participent activement à créer un avenir financier stable, équilibré et en harmonie avec les projets de vie de chacune.

Ce thème d’actualité, que j’ai eu l’occasion d’explorer à travers diverses lectures et recherches, sera également abordé de façon beaucoup plus approfondie lors du Congrès 2025 de l’Institut de planification financière. Il sera particulièrement enrichissant d’y écouter les expertes Hélène Belleau et Stéphanie Castonguay, qui partageront leurs analyses et conseils sur les meilleures pratiques pour accompagner les femmes et comprendre l’évolution de leur rapport à l’investissement. Leur intervention représente une occasion unique de perfectionner ses stratégies et de s’inspirer de leurs expertises spécifiques. C’est un rendez-vous à ne pas manquer pour quiconque souhaite approfondir ces enjeux.