Veuillez prendre note que ce texte ne tient pas compte du projet de loi numéro 56, intitulé Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale. Ce projet de loi vise à instituer l’union parentale uniquement pour les conjoints de fait qui sont parents d’un même enfant né ou adopté après l’entrée en vigueur de ce projet de loi, qui est prévu, si adopté comme tel, le 30 juin 2025.
Même si depuis cette époque la légalité de ces unions a été reconnue, le changement dans la population ne s’est pas opéré très rapidement. En 1981, seulement 8 % des couples étaient des conjoints de fait, alors que 92 % étaient mariés. Cependant, de 1981 à 2021, le nombre de couples en union libre a augmenté de 447 % au Québec, par opposition au nombre de mariages qui a diminué de 17 %.
Selon les dernières données de Statistique Canada de 2021, le Québec se démarque à travers le Canada et même dans le monde entier, quant au nombre de personnes vivant en union libre. Les conjoints de fait représenteraient 43 % des unions, comparativement à 23 % pour l’ensemble du pays. D’ailleurs, si l’on soustrait le Québec des données du Canada, ce pourcentage serait ramené à 17 % seulement.
Au Québec, les conjoints de fait ne se retrouvent pas dans les mêmes proportions selon leur groupe d’âge. Pour les jeunes adultes de 20 à 24 ans, ils représentent 79 % des personnes vivant en couple alors que pour les personnes âgées de 55 à 69 ans, ils sont au nombre de 16 %.
Il va sans dire que la tendance ne devrait pas diminuer dans les années à venir.
Il semblerait cependant que plusieurs personnes vivant en union libre présument qu’après un certain temps, ils ont les mêmes droits et obligations que les gens mariés. Cette croyance provient notamment du fait que différentes lois sociales reconnaissent les conjoints de fait, selon les définitions qui se retrouvent dans celle-ci1.
1 Tel est le cas notamment de la Loi sur les impôts (RLRQ, c. I-3), la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (RLRQ, c. R-15.1) la Loi sur le régime de rentes du Québec (RLRQ, c. R-9) etc. De plus, la Loi d’interprétation (RLRQ c. I-16) prévoit à son article 61.1 la définition de conjoints : « Sont des conjoints les personnes liées par un mariage ou une union civile. Sont assimilés à des conjoints, à moins que le contexte ne s’y oppose, les conjoints de fait. »
Cependant, le droit civil québécois, en l’occurrence le Code civil du Québec2, ne reconnaît qu’à quelques rares occasions les conjoints de fait. Toutefois, relativement à leurs enfants, les conjoints de fait3 ont les mêmes obligations et responsabilités que les couples mariés ou unis civilement.4
Les conjoints de fait n’ont aucune obligation légale entre eux, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas soumis au partage du patrimoine familial, ni à un régime matrimonial, ils n’ont pas d’obligation alimentaire entre eux, ni prestation compensatoire, et n’ont pas de protection sur la résidence familiale. De plus, advenant un décès, ils n’héritent pas respectivement un envers l’autre, à moins d’avoir rédigé un testament à cet effet5. En cas de rupture, chacun reprend ses biens, qu’ils aient ou non des enfants et peu importe le nombre d’années de vie commune.
Cependant, les conjoints de fait peuvent conclure entre eux une convention, l’adapter à leur guise, et être très créatifs dans leurs droits et obligations, dans la mesure où ils respectent l’ordre public. Cependant, il n’est pas permis de faire des donations à cause de mort dans une convention d’union de fait, contrairement à un contrat de mariage6.
Ces conventions ont-elles la cote? Malheureusement non, malgré la popularité de ce type d’union au Québec. Ainsi, le seul recours entre conjoints de fait, advenant rupture et mésentente, est une procédure judiciaire devant les tribunaux, soit une demande en enrichissement injustifié7 ou encore une demande en déclaration et en partage d’une société tacite8.
Afin d’éviter ces procédures onéreuses et fastidieuses, la convention d’union de fait constitue sans contredit la solution. Bien entendu, il est préférable de rédiger une telle convention lorsque l’harmonie règne dans le couple.
Une telle convention doit être adaptée à chacun des couples, en fonction de leur âge, qu’il s’agisse d’une première ou deuxième union, du fait qu’ils veuillent ou non des enfants, ou qu’ils en aient déjà ensemble ou d’une première union, de leur patrimoine respectif, de leurs convictions, de leurs objectifs, etc.
La convention peut être très élaborée, ou encore ne contenir qu’une seule clause. Même si elle peut être faite sous seing privé, il est préférable qu’elle soit faite par un ou une notaire ou un avocat ou une avocate. En effet, un ou une juriste détient l’expertise nécessaire pour transposer par écrit, dans un langage juridique, les volontés du couple. De plus, celui fait devant un ou une notaire est un acte authentique, faisant preuve de son contenu, ce qui le rend plus difficile à contester.
2 RLRQ, c. CCQ-1991 (ci-après « C.c.Q. »)
3 Tel est le cas de l’adoption prévue à l’article 555, du droit au maintien dans les lieux loués à l’article 1938 et de la représentation d’un conjoint de fait incapable relativement à ses soins médicaux art. 15 C.c.Q.
4 Art. 522 C.c.Q.
5 Notez que plusieurs lois statutaires reconnaissent le conjoint de fait en cas de décès, notamment la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (RLRQ, c. R-15.1).
6 Art. 1819 C.c.Q.
7 Art. 1493 à 1496 C.c.Q.
8 Art. 2186 et 2250 C.c.Q.
Voici une liste de plusieurs clauses qui pourraient faire partie d’une convention d’union de fait, à adapter en fonction du couple :
Clauses |
Description et commentaires et recommandations |
Date de la convention et du début de l’union de fait |
Le fait de fixer une date facilite la preuve pour des fins fiscales ou pour la reconnaissance de leur statut selon certaines lois statutaires Possible de s’entendre que la convention remonte au début de la vie commune |
Inventaire des biens (actifs et passifs) |
L’inventaire des biens meubles et immeubles détenus par chacun des conjoints au moment de la signature de la convention est recommandé Préférable de l’annexer au contrat afin de pouvoir la modifier et la mettre à jour régulièrement |
Clauses durant la vie commune |
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Responsabilités de chacun durant la vie commune |
Chacun conserve l’administration de ses biens respectifs durant l’union |
Dettes |
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Partage des dépenses |
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Contributions et mise de fonds supplémentaires |
Dans les mêmes proportions que le partage des dépenses ou toute autre entente |
Donations entre vifs |
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Comptes bancaires communs |
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Résidence commune |
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Convention d’indivision si les deux conjoints sont propriétaires de la résidence |
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Mise de fonds et remboursements hypothécaires différents |
Prévoir que celui qui a fait une mise de fonds plus importante aura droit au remboursement de celle-ci advenant la vente en plus de la croissance future de la mise de fonds (en proportion de la valeur) |
Méthode d’évaluation |
Planifier à l’avance qu’advenant la vente de la part de l’un envers l’autre, quelle méthode d’évaluation de la résidence à utiliser |
Modalité de paiement |
Advenant la vente de l’un envers l’autre, prévoir s’il est possible pour l’acheteur de payer sur une période de temps, déterminée par les parties |
Si un seul des conjoints est propriétaire de la résidence |
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Clauses recommandées |
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Droit d’usage dans la résidence en faveur de l’un des conjoints11 |
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Si les conjoints possèdent deux résidences |
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Choisir qui profitera de l’exemption pour résidence principale |
Lorsque les deux conjoints conservent chacun une résidence lors de la rupture, il est important de prévoir qui bénéficiera de l’exemption pour résidence principale lors d’une disposition future pour les années où ils ont fait vie commune. Cela peut être réparti également entre eux |
L’arrivée d’un enfant |
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Clauses à prévoir |
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Clauses advenant rupture de l’union |
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Définition de rupture |
Il est important de définir ce qu’est une rupture, soit la cessation de la vie commune pour cause d’échec de l’union |
Conservations des biens dont ils ont la propriété |
|
Partage de certains biens |
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Création d’un patrimoine familial ou société d’acquêts |
Il est possible également d’inscrire dans la convention que les règles sur le patrimoine familial prévu au Code civil du Québec15 s’appliquent intégralement, en y faisant les adaptations nécessaires. Même chose pour la société d’acquêts |
Contribution ou pension alimentaire |
Il est permis de prévoir une contribution alimentaire en faveur de l’un des conjoints. Cette contribution peut être une somme forfaitaire ou des versements périodiques, dont la durée est, de préférence, limitée dans le temps |
Souscription d’une assurance sur la vie du conjoint |
Cela permet d’assurer un capital advenant le décès du conjoint |
Médiation obligatoire |
Les conjoints s’engagent à soumettre à la médiation, avant tout recours devant les tribunaux, tout désaccord ou différend entre eux |
Autres clauses |
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Réexamen périodique |
Afin de tenir compte des changements dans la vie du couple et s’assurer que l’entente est toujours adaptée à leurs besoins |
Renonciation à l’avance de réclamations |
Clause stipulant que les conjoints renoncent mutuellement à se réclamer toute somme ou charge acquittée durant l’union |
Procuration spécifique |
Chacun des conjoints autorise l’autre à le représenter pour des décisions urgentes, comme le consentement aux soins ou l’administration de certains biens Peut être fait dans un document différent |
Modifications à la convention |
Doit être signée par les deux conjoints |
Annulation de la convention |
Doit être signée par les deux conjoints |
9 Art. 1824 C.c.Q.
10 Art. 1015 à 1037 C.c.Q.
11 Il y aura lieu de préciser s’il s’agit d’un droit personnel ou réel, et dans ce dernier cas, il devra être publié au registre foncier.
12 Selon l’article 102.10.3 de la Loi sur le régime de rentes du Québec (RLRQ, c. R-9), les ex-conjoints de fait doivent avoir cessé de vivre maritalement depuis au moins 12 mois pour pouvoir procéder au partage des gains inscrits au RRQ durant la vie maritale
13 Art 146 (16) b) et de Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) c.1 (5e supp.), ci-après « L.I.R. »
14 Art. 73 (1) et 73 (1,01) b) L.I.R. Il est également possible de prévoir le choix de ne pas procéder au roulement
15 Art. 1015 à 1037 C.c.Q.
Le contrat de vie commune est un document juridique méconnu, mais qui se doit de gagner en popularité puisqu’il touche près de 45 % des couples québécois. Non seulement il permet d’établir les règles régissant la vie commune et l’administration des biens, mais il prévoit également les règles à suivre advenant la rupture de l’union, évitant bien souvent un litige devant les tribunaux.
Son avantage principal est qu’il peut être modulé selon les besoins particuliers de chacun des couples, et être modifié en tout temps par les parties.
En tant que planificateur financier ou planificatrice financière, votre rôle de conseil est primordial afin d’informer vos clients et clientes de l’importance de rédiger une telle convention.
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