Retraite

Dany Provost

B. Sc. Act., D. Fisc., CFA, Pl. Fin.

Directeur, planification financière et optimisation fiscale

SFL Expertise

Le RRI et le régime de retraite combiné

Le thème du régime de retraite individuel (RRI) suscite l’intérêt de nombreux planificateurs financiers et planificatrices financières, particulièrement depuis l’introduction de la réforme fiscale fédérale relative aux revenus passifs des sociétés par actions. Regardons quelques caractéristiques des RRI traditionnels et des nouveaux régimes de retraite combinés (RRC).

Le RRI standard est un régime de retraite à prestations déterminées (PD), principalement conçu pour un participant ou une participante — souvent un actionnaire dirigeant ou une actionnaire dirigeante — bien qu’il puisse en inclure d’autres comme le conjoint, la conjointe ou un enfant de l’actionnaire, à condition qu’ils travaillent pour la même entreprise.

Le RRI standard :

un régime de retraite à prestations déterminées

Ce régime est réglementé par la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et, au Québec, par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (LRCR). Les prestations futures étant définies à l’avance, les cotisations sont calculées pour assurer que les prestations promises puissent être livrées à la retraite, entraînant des cotisations plus élevées à mesure que l’âge de retraite se rapproche. À compter de 38 ans, il permet donc des cotisations plus importantes que celles d’un Régime enregistré d’épargne-retraite (REER), offrant ainsi une opportunité d’épargne-retraite intéressante pour ceux et celles qui désirent maximiser les déductions permises dans leur société.

Lorsqu’un RRI ne s’adresse qu’à des personnes ayant un lien de dépendance avec une ou un actionnaire dit « rattaché » — détenant au moins 10 % d’une catégorie d’actions — la LRCR ne s’applique pas, à l’exception de cinq articles et le régime n’a pas à être enregistré à Retraite Québec. Ceci constitue un bon allègement par rapport aux régimes de retraite traditionnels.

Les cotisations faites par l’employeur ou l’employeuse dans un RRI sont déductibles, mais ne constituent pas un avantage imposable pour l’employé(e) bénéficiaire, pas plus qu’elles ne sont considérées dans la masse salariale de l’employeur ou l’employeuse.

Rappelons que les cotisations d’un employeur ou d’une employeuse faites dans le REER d’une employée ou d’un employé, qu’il soit individuel ou collectif, n’existent pas en fiscalité. Elles ne sont qu’un revenu d’emploi supplémentaire déposé dans le compte de l’employé(e), qui pourra, à son tour, déduire ce même montant ce qui ramènera son revenu imposable au même niveau. Ce revenu pourra bien entendu être déduit lorsqu’il sera transféré au REER.

Lors de l’instauration d’un RRI, un rachat pour services passés peut être effectué si le régime le permet. Ce rachat génère souvent des cotisations importantes, même si un calcul est fait pour limiter les cotisations déductibles et forcer une partie du rachat sous forme de transfert provenant des REER.

Pendant la durée de vie d’un RRI, des cotisations « d’équilibre » sont faites, en cas de déficit, afin de ramener les montants de la caisse au niveau calculé par l’actuaire lors de son évaluation actuarielle qui se fait généralement aux trois ans. En cas de surplus, comme tout régime à prestations déterminées, ce dernier ne doit pas excéder 25 % de la valeur du passif sous peine de devoir réduire les cotisations ou bonifier le régime.

Lorsque le régime est « désigné » — c’est notamment le cas lorsqu’il ne s’adresse qu’à des personnes rattachées — des règles de financement maximal sont prescrites dans les paragraphes 8515 (6) et 8515 (7) du Règlement de l’impôt sur le revenu (RIR). Les actuaires utilisent ainsi ces hypothèses afin de générer un maximum de passif dans le régime, c’est-à-dire la valeur des versements de rente futurs, pour pouvoir, corollaire direct, cotiser au maximum.

Souvent, les placements faits à l’intérieur du RRI sont relativement conservateurs, de sorte que des déficits sont générés. Dans ce type de régime (régime désigné), les déficits n’ont pas l’obligation d’être comblés. Dans les faits, ils le sont généralement pendant la période d’accumulation, toujours dans un objectif de cotisation maximale.

Si le régime n’est pas un régime désigné, l’actuaire utilise des hypothèses actuarielles habituelles, mais la LRCR s’applique et les déficits doivent être comblés.

À la retraite, les participants et participantes d’un RRI ont trois options principales pour accéder à leurs fonds :

  1. recevoir une rente du régime, déterminée par les paramètres habituels tels l’âge de retraite, les fonds accumulés, et la réversibilité au conjoint ou à la conjointe ;
  2. acheter une rente d’un assureur avec des modalités spécifiques concernant la garantie et la réversibilité au conjoint ;
  3. ou transférer les fonds à un REER ou un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) (pour les personnes non rattachées) dans les limites fixées par la loi avec une imposition immédiate possible sur l’excédent.

Si un participant ou une participante opte pour la rente de retraite du régime ou pour l’achat d’une rente chez un assureur, il est possible que certaines prestations accessoires soient choisies, par exemple, l’élimination de la pénalité actuarielle en cas de préretraite ou encore une pleine indexation à l’indice des prix à la consommation (IPC) au lieu de l’IPC moins 1 % utilisé dans les hypothèses de financement. Or, ces prestations accessoires ne peuvent être prévues dans les calculs actuariels. Elles créent ainsi un autre déficit, le provisionnement à l’échéance. Ce provisionnement constitue ainsi une autre façon de maximiser les cotisations.

Les fonds dans un RRI sont à l’abri des créanciers tant qu’ils y restent, conformément à l’article 6 de la LRCR — un des cinq articles continuant de s’appliquer —, qui fait du régime un patrimoine fiduciaire distinct, soumis aux règles du Code civil du Québec. Toutefois, si une participante ou un participant lié à l’employeur ou l’employeuse transfère ces fonds à un REER ordinaire après la fin du régime, cette protection se perd, sauf en cas de faillite, où le REER reste insaisissable à l’exception des contributions des 12 derniers mois. Les investissements d’un RRI sont détenus soit par un assureur, une société de fiducie ou une fiducie personnelle, selon la structure désirée.

Les frais de gestion, contrairement à ceux d’un REER, sont déductibles s’ils sont payés par l’employeur ou l’employeuse.

Les autres coûts associés à un RRI incluent :

  1. des frais uniques d’actuaire pour la création et l’enregistrement du régime, variant de 2 000 $ à 5 000 $, avec des économies d’échelle possibles pour plusieurs régimes d’un même employeur ;
  2. des frais d’évaluation actuarielle tous les trois ans, entre 1 500 $ et 3 000 $ ;
  3. des frais annuels d’administration variables par l’institution financière ;
  4. des coûts pour toute modification de l’acte de fiducie ou du texte du régime, souvent de quelques milliers de dollars.

En cas de décès, il est notamment possible de générer des économies d’impôt substantielles grâce à un transfert intergénérationnel. Par exemple, si les enfants d’un ou d’une actionnaire font également partie du régime, une somme importante, au décès de l’actionnaire, peut être transmise à la génération suivante sans impact fiscal immédiat, car le régime ne se termine pas. Ainsi, c’est une partie du passif du régime qui disparaît au décès, créant généralement un surplus important, mais aucun impôt additionnel immédiat. 

Les critiques du RRI standard

Malgré la liste des avantages possibles, le RRI standard fait souvent l’objet de critiques.

L’un des éléments les plus souvent pointés du doigt est le montant imposable possiblement généré lors d’un transfert au REER. Ce transfert peut survenir notamment à la terminaison du régime. Le paragraphe 8517 (1) du Règlement de l’impôt sur le revenu limite en effet à certains multiples de la rente acquise, généralement entre 9 et 12 selon l’âge, le transfert maximal pouvant être effectué dans un REER en franchise d’impôt. Par conséquent, si la valeur actuarielle du régime est supérieure au montant maximal (c’est évidemment généralement le cas étant donné l’objectif), l’excédent est un revenu imposable régulier dans l’année du transfert.

Une autre critique du RRI est sa complexité administrative. Bien qu’il ne soit généralement pas assujetti à la LRCR, une série de détails techniques vient compliquer son administration. Ainsi, les déclarations de facteurs d’équivalence, la production d’une déclaration annuelle et autres documents obligatoires, des évaluations actuarielles périodiques, des formulaires annuels à remplir et lors de la survenance de certains événements, des numéros de retenues à la source à la retraite sont autant d’éléments qui peuvent irriter les clients et clientes. Il est toutefois possible de déléguer cette administration dans une large mesure.

Le manque de flexibilité dans les cotisations d’un RRI standard peut aussi préoccuper certains employeurs et employeuses.

La « rentabilité » peut également être jugée négativement. En effet, les divers frais chargés dans un RRI viennent affecter sa rentabilité. L’objectif de maximiser les déductions, donc les cotisations, fait en sorte que des sommes beaucoup plus élevées peuvent être accumulées dans un RRI que dans un REER, souvent plusieurs centaines de milliers de dollars. Cependant, il faut être conscient du fait que ce n’est qu’un déplacement d’argent au profit du régime et au détriment de la société. Lorsqu’on compare deux scénarios (avec ou sans RRI), il est loin d’être certain que le RRI sorte vainqueur dans une vue d’ensemble.

Le régime de retraite combiné :

un RRI standard optimisé

Au cours des dernières années, on a développé ce que l’Agence du revenu du Canada appelle les régimes de retraite combinés, aussi désignés par plusieurs sous le terme de régimes « hybrides ». Ce type de régime offre une souplesse supérieure à celle des RRI traditionnels, même ceux qui comptent déjà un volet à cotisations déterminées (CD) en plus du volet courant à prestations déterminées (PD). Le RRC peut incorporer une option supplémentaire : les cotisations dites « volontaires additionnelles » (CVA), ajoutant ainsi un troisième pilier au régime.

Un RRC bien structuré peut corriger la plupart des éléments plus faibles d’un RRI standard. Il faut bien comprendre que n’importe quel RRI peut faire l’objet de modifications pour en faire un RRC.

Par exemple, un RRC « clés en main » permet de réduire les tâches administratives pratiquement à celle d’un simple REER.

De plus, avec des frais réduits, sa rentabilité peut augmenter au point où il fait presque systématiquement meilleure figure que son scénario adverse.

La possibilité de débuter le régime longtemps avant l’âge de 40 ans, dans le volet CD, permet une stratégie de type « cycle de vie » ainsi que des cotisations supérieures à celles d’un REER, étant donné l’année de décalage entre les régimes de retraite et les REER, en termes de limites. Vers l’âge de 40 ans, on peut simplement basculer du volet CD au volet PD.

À l’inverse, la possibilité de passer facilement du volet PD au volet CD, et en ne cotisant que 1 % du salaire en cas de difficulté financière ou en cas de surplus excédentaire constitue un atout d’un RRC.

À noter que le volet CVA, même s’il peut être constitué en grande partie de sommes provenant d’un REER, profite de la même protection contre les créanciers que les deux autres volets du régime.