Finances

Guillaume Dumais

M. Fisc., Adm. A., DET, Pl. Fin., TEP

Fiscaliste et planificateur financier

Dumais Groupe Conseil 

L’évolution des mythes financiers

En tant que professionnels et professionnelles des finances, nous entendons quotidiennement quantité de mythes financiers, qui circulent librement de la bouche du beau-frère ou encore de la belle-sœur aux oreilles du ou de la contribuable. Les évènements majeurs, tel que la bulle technologique de 2000 et la crise financière de 2008, jouent également un rôle important dans notre façon d’approcher certaines hypothèses de base. La pandémie de COVID-19 n’a pas fait exception : cette période d’incertitude a bouleversé les habitudes financières des individus et des ménages.

Dans ce contexte de transformation économique, plusieurs croyances traditionnelles en matière de finances personnelles ont été remises en question. Cet article explore cinq mythes financiers à la lumière du nouveau paradigme post-pandémique.

Mythe no. 1

L’épargne est toujours plus sûre que l’investissement

L’idée selon laquelle « placer son argent à la banque » constituerait la voie la plus sûre demeure profondément ancrée dans les esprits. Pourtant, le contexte post-COVID a mis en évidence les limites de cette approche. Comme l’inflation a varié entre 4 % et 6 % en 2022-2023, plusieurs épargnants et épargnantes ont constaté que leurs liquidités perdaient du pouvoir d’achat, malgré des taux d’intérêt redevenus plus attrayants. En termes réels, durant cette période, une épargne placée dans un compte d’épargne standard à 3 % rapportait… un rendement négatif.

Il faut donc faire la distinction entre le fonds d’urgence, destiné à couvrir de trois à six mois de dépenses courantes, et l’investissement, qui vise la croissance à long terme. Les deux se complètent, mais ne s’opposent pas. Garder trop d’argent liquide revient à immobiliser son capital dans un actif dont la valeur s’érode au fil du temps.

Les instruments comme le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) ou le Régime enregistré d'épargne-retraite (REER), combinés à des fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels, permettent aux particuliers de diversifier leurs placements, de réduire les frais et de profiter de la croissance économique. Les experts et expertes d’Épargne Placements Québec insistent sur ce point : refuser d’investir par peur du risque, c’est accepter un autre risque, plus insidieux, le rendement insuffisant1.

La sécurité recherchée dans l’épargne pure est souvent illusoire. L’investisseuse et l’investisseur prudent, qui adopte une stratégie simple et diversifiée, se protège mieux qu’un épargnant ou une épargnante qui s’en remet uniquement à son compte bancaire.

Mythe no. 2

Les dettes sont mauvaises, point final

La dette évoque spontanément le surendettement, le stress et les difficultés de remboursement des dettes. Mais toutes les dettes ne se valent pas. Les économistes distinguent la « dette toxique », généralement associée à la consommation courante et aux cartes de crédit à taux élevé, de la « dette stratégique », qui permet d’acquérir un actif ou d’investir dans son avenir.

Dans un contexte marqué par des taux historiquement bas, de nombreux ménages et entreprises ont eu recours à des prêts garantis par l’État. Loin d’être un piège, ces financements ont permis la survie et même la croissance de milliers d’entreprises.

L’achat immobilier illustre bien la nuance : peu de familles pourraient accéder à la propriété sans hypothèque. De même, un prêt étudiant ou un financement d’entreprise représente une mise de fonds sur des revenus futurs. L’endettement, bien calibré et soutenable, peut constituer un levier de croissance puissant.

La clé réside dans la gestion : respecter sa capacité d’emprunt, anticiper l’évolution des taux et affecter la dette à des projets créateurs de valeur2. Démoniser la dette de manière absolue prive les particuliers d’outils financiers efficaces.

Mythe no. 3

Il faut un revenu élevé pour investir

Nombreux sont ceux et celles qui repoussent l’idée d’investir en croyant qu’ils ou elles « n’ont pas les moyens ». Or, l’essor des applications mobiles et des plateformes de courtage en ligne a démocratisé l’accès aux marchés financiers. Avec quelques dizaines de dollars par mois, il est désormais possible d’acheter des parts de FNB mondiaux ou d’épargner.

Depuis la pandémie, l’Autorité des marchés financiers de la France observe une hausse marquée du nombre de jeunes investisseurs et investisseuses3. Ceux-ci privilégient des stratégies simples, souvent passives, mais régulières. Les produits comme les FNB à faible coût, accessibles sur de nombreuses plateformes de courtage en ligne, incarnent cette démocratisation.

Ce qui compte, ce n’est pas le montant initial, mais la discipline. L’investissement repose sur la régularité des contributions et sur la capitalisation dans le temps. Attendre un revenu « suffisant » revient à retarder inutilement la constitution d’un patrimoine.

Investir n’est plus réservé aux individus à hauts revenus : c’est avant tout une habitude de gestion.

Mythe no. 4

Le télétravail réduit automatiquement les dépenses

À première vue, le télétravail semble alléger le budget : moins de frais de transport, moins de repas pris à l’extérieur. Pourtant, plusieurs ménages ont découvert que les économies sont vite compensées par des coûts cachés.

L’augmentation de la consommation d’électricité, l’achat de mobilier ergonomique, ou encore l’entretien accru du logement représentent des dépenses additionnelles. À cela s’ajoutent des effets indirects : isolement, fatigue numérique, baisse de productivité pouvant mener à des consultations médicales ou psychologiques.

Des enquêtes menées par Statistique Canada montrent que l’impact financier du télétravail varie selon la situation. Une ou un employé vivant en banlieue avec une longue navette quotidienne réalise des économies nettes importantes. À l’inverse, un travailleur ou une travailleuse en logement exigu doit investir dans un bureau complet et voit ses factures augmenter.

Ainsi, le télétravail n’est pas une garantie d’économies, mais une redistribution des charges. Les finances personnelles doivent être réajustées en fonction de cette nouvelle réalité.

Mythe no. 5

Les jeunes générations ne s’intéressent pas à la finance

Cette affirmation, fréquemment répétée, ne résiste pas à l’analyse. Loin d’être indifférents, les jeunes adultes manifestent un intérêt croissant pour la finance, mais selon des codes différents de leurs aînés.

Leur appétit pour les cryptomonnaies, les placements ESG (environnement, social et gouvernance) ou la finance participative illustre un désir d’autonomie et d’alignement avec leurs valeurs. Pour plusieurs, investir ne consiste pas seulement à accumuler, mais aussi à « voter avec son portefeuille ».

La pandémie a renforcé cette tendance. Confrontés à l’incertitude et à la précarité, les 18-24 ans ont été nombreux à commencer à épargner et à investir, souvent via des applications mobiles. Selon La Presse, les jeunes Québécoises et Québécois sont devenus, toutes proportions gardées, parmi les plus disciplinés en matière d’épargne4.

Ils redéfinissent la finance : plus technologique, plus rapide, mais aussi plus consciente. L’image d’une génération insouciante est un mythe qui occulte leur véritable contribution à la transformation des pratiques financières.

Conclusion

Ces cinq mythes financiers, bien ancrés dans l’imaginaire collectif et dans la culture québécoise, méritent d’être réévalués à la lumière des transformations économiques. En s’informant et en adaptant leurs stratégies, les individus peuvent mieux naviguer dans un monde financier en constante évolution.

En tant que planificateurs financiers et planificatrices financières, experts et expertes et références pour le public, nous nous appuyons régulièrement sur des hypothèses de base et des règles du pouce pour faciliter notre travail. Tout comme la formation continue, qui est un aspect essentiel de notre pratique, notre engagement envers le public doit également passer par l’évolution de nos repères afin de mieux guider nos clients et nos clientes vers l’accomplissement de leurs objectifs financiers.