Certaines de ces fiducies bénéficient d’un traitement fiscal distinct des fiducies traditionnelles, d’où l’importance de bien comprendre leurs particularités. Trois types de fiducie seront brièvement présentés :
- la fiducie de prestation à vie (FPV),
- la fiducie Henson
- et la fiducie admissible pour personne handicapée (FAPH).
Nous survolerons pour chacune leur utilité, leurs caractéristiques et leurs implications fiscales.
Sans entrer dans le détail des dispositions légales applicables, l’objectif de ce texte est de vous permettre de développer certains réflexes lors de l’élaboration d’une planification financière. Il a également pour but de vous aider à repérer les situations où ce type de fiducie pourrait être pertinente afin de diriger le client ou la cliente vers les professionnelles ou professionnels appropriés.
Fiducie de prestation à vie : « Rouler »2 son REER/FERR à une ou un enfant handicapé
Utilité et caractéristiques :
Cette fiducie testamentaire permet à un parent ou un grand-parent de transférer la valeur d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) à une fiducie au bénéfice d’une personne à sa charge atteinte d’une infirmité mentale, et ce, tout en reportant l’impôt au décès.
Afin de pouvoir bénéficier de cet allégement fiscal, une rente admissible de fiducie (viagère ou à durée déterminée) doit être acquise à partir des fonds provenant d’un REER ou d’un FERR. Par la suite, la FPV doit être désignée comme bénéficiaire de cette rente. Autrement dit, pour que l’allégement fiscal soit permis, l’achat d’une rente est requis, et celle-ci doit expressément nommer la FPV comme bénéficiaire.
2 Ici le terme rouler est utilisé à des fins de simplification. Il s’agit en fait du remboursement de primes défini au paragraphe 146 (1) de la LIR ainsi que la déduction à l’alinéa 60l) de la LIR qui permet le report de l’impôt.
À qui s’adresse la fiducie :
Ce type de fiducie testamentaire peut être établi lorsque le bénéficiaire est l’enfant ou le petit-enfant du défunt, et qu’il était à sa charge en raison d’une infirmité mentale3. Les critères diffèrent de ceux du crédit pour personne handicapée (CIPH), ainsi une déficience physique seule ne suffit pas.
3 La fiducie pourrait également être établie si le bénéficiaire est le conjoint de fait du particulier décédé et que celui-ci avait une infimité mentale.
Bénéficiaire et rôle du fiduciaire.
La FPV comporte des règles précises quant aux bénéficiaires et au rôle des fiduciaires.
En ce qui concerne les bénéficiaires, outre ce qui a été mentionné concernant l’infirmité mentale, le ou la bénéficiaire doit être le seul ou la seule à pouvoir recevoir le capital et le revenu de la fiducie durant sa vie. Un ou une bénéficiaire de second ordre peut être désigné pour recevoir les actifs à son décès.
Les fiduciaires, pour leur part, disposent d’un pouvoir discrétionnaire. Ils peuvent choisir de verser ou non le revenu et le capital, mais doivent le faire en tenant compte des besoins du ou de la bénéficiaire.
Considération fiscale :
Contrairement au principe selon lequel les revenus non distribués d’une fiducie sont imposés dans celle-ci, la FPV suit des règles particulières.4 Tous les montants versés à la fiducie dans le cadre de la rente sont automatiquement inclus dans le revenu du ou de la bénéficiaire, même s’ils ne lui sont pas réellement versés. Il s’agit d’une règle d’attribution. Il est important de considérer cet aspect lors de l’élaboration d’une projection de revenu à une personne bénéficiaire de ce type de fiducie.
Les mêmes règles s’appliquent au décès. Ainsi, si la rente prévoit un montant forfaitaire, celui-ci est réputé avoir été reçu par le ou la bénéficiaire juste avant son décès et est donc inclus dans son revenu.
4 Exception faite du choix de bénéficiaire privilégié prévu au paragraphe 104(14) et 104(18) LIR.
Autres considérations
On pourrait se demander à quoi sert réellement la fiducie de prestation à vie, puisque, en théorie, un REER ou un FERR peut déjà être légué à un ou une enfant à charge atteint d’une infirmité mentale pour cotiser à un REER à son nom. Le report d’impôt n’est donc pas exclusif à la FPV.
Cela dit, la FPV offre une souplesse supplémentaire. Elle permet de désigner des fiduciaires pour gérer les sommes selon les besoins du ou de la bénéficiaire, tout en offrant la possibilité de nommer un ou une bénéficiaire de second ordre en cas de décès. Cette flexibilité en fait un outil particulièrement pertinent dans certaines situations.
Aussi, à titre de rappel, il est également possible de léguer le REER à l’aide du régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Ce transfert est plafonné à 200 000 $, moins les cotisations et transferts déjà effectués dans le régime.
2 Ici le terme rouler est utilisé à des fins de simplification. Il s’agit en fait du remboursement de primes défini au paragraphe 146 (1) de la LIR ainsi que la déduction à l’alinéa 60l) de la LIR qui permet le report de l’impôt.
3 La fiducie pourrait également être établie si le bénéficiaire est le conjoint de fait du particulier décédé et que celui-ci avait une infimité mentale.
4 Exception faite du choix de bénéficiaire privilégié prévu au paragraphe 104(14) et 104(18) LIR.
Fiducie Henson : Protéger les prestations sociales
Utilité et caractéristiques :
Issue de la jurisprudence5, la fiducie Henson n’est pas définie dans la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). Elle s’adresse aux parents d’un ou d’une enfant qui présente des contraintes sévères à l’emploi et qui reçoit une aide financière de dernier recours via le programme de solidarité sociale ou de revenu de base6-7.
L’objectif de cette fiducie est de protéger les prestations de l’enfant en cas d’héritage, mais également l’accès à d’autres formes d’aide, telles que le logement subventionné, les soins dentaires, médicaments ainsi que divers services médicaux et psychosociaux. Elle permet de verser des sommes complémentaires sans compromettre l’aide de l’État.
Comme ce soutien est conditionnel aux ressources financières, une ou un enfant handicapé avec trop de revenus ou de biens risque de perdre ses prestations. La fiducie Henson permet d’éviter cette situation puisqu’elle permet de léguer des biens à une personne handicapée sans qu’ils ne soient comptabilisés dans son patrimoine aux fins du calcul des programmes gouvernementaux.
Cependant, il faut noter que les programmes sociaux prévoient déjà des exclusions concernant la valeur des biens qu’une personne peut détenir et aussi recevoir par succession.
En ce qui concerne le programme de solidarité sociale, le montant pouvant être reçu par succession est de 381 924 $ (2025). Cependant, il faut retirer de ce montant toutes les sommes déjà détenues dans un REER, un régime de pension agréé (RPA), la maison principale et certains autres biens.
Le même principe s’applique pour le programme de revenu de base, mais avec une limite de 500 000 $. Contrairement à l’autre programme, la valeur de la résidence principale n’est pas prise en compte dans ce calcul. Le programme de base permet donc à une ou un enfant handicapé de recevoir un legs plus important sans être pénalisé.
Il faut donc comprendre que la fiducie Henson s’adresse à des legs qui dépassent ces valeurs.
5 Ontario (Ministry of Community and Social Services, Income Maintenance Branch) c. Henson (1987)
6 Vous trouverez plus d’information sur ces programmes dans la lecture complémentaire.
7 Des modifications sont à venir concernant les régimes d’assistance sociale avec le projet de loi 71.
Bénéficiaire et rôle du fiduciaire
Ici, l’intérêt de la fiducie réside dans l’admissibilité de la personne aux programmes gouvernementaux. Une personne pourrait être reconnue pour le Crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) sans nécessairement remplir les critères pour les prestations. En réalité, c’est la présence d’une contrainte sévère à l’emploi confirmée par un rapport médical qui rend la personne admissible au programme.
Également, un des aspects les plus importants de la fiducie Henson est le rôle discrétionnaire des fiduciaires. La fiducie Henson doit obligatoirement être pleinement discrétionnaire afin de pouvoir se qualifier comme tel.
Considérations fiscales
Ici, il n’y a pas de particularités différentes que pour une autre fiducie, les considérations fiscales de cette fiducie concernent l’admissibilité aux prestations sociales.
Cependant, dans des cas particuliers, la fiducie peut se qualifier de FPV8 ou peut-être même de FAPH. Il faut donc s’informer auprès des professionnels ou professionnelles des clients ou clientes.
8 Voir l’interprétation fiscale 2005-0148641E5.
Autres considérations
La fiducie Henson n’est pas forcément la solution idéale pour tout le monde. Elle convient surtout aux familles de la classe moyenne. Si la personne handicapée reçoit un legs susceptible d’améliorer son niveau de vie par rapport aux prestations sociales, il peut être plus avantageux d’utiliser pleinement l’héritage, même si ça signifie perdre certaines aides.
5 Ontario (Ministry of Community and Social Services, Income Maintenance Branch) c. Henson (1987)
6 Vous trouverez plus d’information sur ces programmes dans la lecture complémentaire.
7 Des modifications sont à venir concernant les régimes d’assistance sociale avec le projet de loi 71.
8 Voir l’interprétation fiscale 2005-0148641E5.
Fiducie admissible pour personne handicapée : Profiter des taux progressifs
Utilité et caractéristiques
La FAPH, comme définie au paragraphe 122(3) de la LIR, est une fiducie testamentaire qui doit, chaque année, faire l’objet d’un choix avec un ou une bénéficiaire admissible, soit une personne reconnue comme telle aux fins du CIPH. Ainsi la fiducie peut profiter des taux d’imposition progressifs. Il s’agit de la seule exception avec la succession assujettie à l’imposition à taux progressif (SAITP).
Bénéficiaire et rôle du fiduciaire
La pierre angulaire de ce type de fiducie est l’admissibilité d’un ou d’une bénéficiaire au CIPH, ce qui la distingue des deux autres fiducies mentionnées précédemment. Un autre élément à considérer est que le ou la bénéficiaire ne peut désigner qu’une seule fiducie comme FAPH par année. Ainsi une personne handicapée pourrait être bénéficiaire de plusieurs fiducies, mais une seule pourra profiter du traitement fiscal avantageux prévu pour une FAPH. De plus, ce type de fiducie peut compter plusieurs bénéficiaires, mais au moins l’un d’eux doit être admissible au CIPH et avoir fait le choix requis pour que la fiducie puisse se qualifier.
Quant au fiduciaire, ce type de fiducie offre une plus grande souplesse en ce qui concerne la gestion des revenus et du capital que la FPV et la fiducie Henson.
Considérations fiscales
Puisque les taux d’imposition progressifs représentent un avantage significatif pour les FAPH, certaines règles fiscales particulières s’appliquent notamment lorsque, à la fin de l’année, il n’y a plus de bénéficiaire admissible ou lorsqu’un montant en capital est versé à un ou une bénéficiaire non admissible.
Dans ces situations, un impôt de récupération peut être exigé. Il s’agit d’un ajustement fiscal visant à réimposer les revenus qui avaient initialement bénéficié des taux progressifs afin qu’il soit imposé au taux marginal le plus élevé. Le but est que les revenus soient imposés à ce taux marginal lorsqu’ils bénéficient ultimement à une personne non admissible.
Cela dit, un ou une bénéficiaire non admissible peut tout de même recevoir un revenu (et non du capital) de la fiducie. Ce revenu sera alors inclus dans son propre revenu imposable et déduit du revenu de la fiducie.
En conclusion
Le rôle du planificateur financier ou de la planificatrice financière va bien au-delà de la simple gestion des finances : il consiste aussi à accompagner les clients et clientes vers les ressources les plus appropriées à leur situation. Dans le cas de personnes vivant avec un handicap, suggérer une évaluation médicale peut ouvrir la porte à des avantages fiscaux importants et ainsi améliorer la qualité de vie de ces personnes.
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